L’annonce relative à l’indemnisation des victimes des manifestations politiques entre 2021 et 2024 au Sénégal fait débat. Si l’opposition critique cette décision, les tenants du pouvoir répliquent en soulignant son importance.
La décision de l’État du Sénégal d’indemniser les victimes des manifestations politiques entre 2021 et 2024 continue de susciter des réactions. Si certains approuvent la mesure, d’autres la critiquent vivement. Abdou Mbow, député de l’opposition, fait partie de ce dernier groupe. Il estime que cette décision prise par les nouvelles autorités étatiques est « grave et dangereuse ».
« Depuis quand un gouvernement indemnise-t-il les victimes de manifestations et non la justice, si elle juge cela nécessaire à la suite d’un procès ? », s’est interrogé le parlementaire, assimilant cet acte à un « partage de gâteau ». Il a ajouté que vouloir indemniser uniquement ceux qui ont soutenu Ousmane Sonko équivaudrait à les récompenser avec l’argent de tous les Sénégalais.
« Qu’en est-il de ceux qui ont été blessés, qui ont perdu leurs biens, ou dont les voitures ont été endommagées, ou les commerces pillés par les militants de Pastef ? Ne sont-ils pas considérés comme des victimes ? », s’est-il demandé.
À l’instar du député Abdou Mbow, l’ancien juge Ibrahima Hamidou Dème a dénoncé également cette décision. « La seule appartenance à un parti politique ou le soutien à un homme politique ne doit pas conférer de privilèges qui sont de nature à rompre l’égalité des citoyens devant la loi », a écrit l’ex-magistrat sur le réseau social « X ». « Comment comprendre que, malgré les insuffisances de la justice, de prétendus auteurs d’infractions deviennent subitement, en dehors de toute procédure judiciaire, des victimes privilégiées ? », s’interroge-t-il, rappelant que l’État de droit implique la soumission de l’État à la loi.
À son avis, « aucune loi, aucune jurisprudence et même aucune logique ne peut justifier que des personnes poursuivies par la justice bénéficient de la qualité de victimes et soient indemnisées sans décision judiciaire ». Les critiques émises par l’opposition concernant cette décision n’ont pas été laissées sans réponse. En effet, des membres du gouvernement ont réagi. Amadou Ba, député du Pastef, a commencé sa réplique par des interrogations : « Qui ose considérer qu’une assistance de 10 millions de FCfa pour des parents ayant perdu un fils dans des circonstances atroces relève d’une récompense politique pour des pilleurs ?
Qui ose affirmer que 500 000 FCfa peuvent effacer 18 mois de détention arbitraire ou des tortures et autres sévices dégradants ? »
Le 5e vice-président à l’Assemblée nationale a également regretté que certains opposants dénoncent la non-indemnisation des forces de l’ordre qui comptent parmi les victimes. « C’est inquiétant pour leur stature et leur carrière politique ou bien ils sont malhonnêtes ; ce qui montre qu’ils ne méritent pas le statut d’hommes d’État », a déploré le député de la mouvance présidentielle. Il a rappelé qu’il existe un régime spécial de prise en charge des membres des forces de l’ordre victimes de dommages corporels lors de manifestations. De plus, il a indiqué que l’indemnisation de toutes les victimes, qu’il s’agisse de citoyens ou de commerces, avec une évaluation objective de chaque préjudice, sera certainement prévue à travers le règlement définitif de la loi d’amnistie qui ne comporte pas de mécanisme d’indemnisation.
Abondant dans le même sens, le Haut représentant du président de la République, Aminata Touré, a invité au respect des « martyrs ». Selon elle, aucune indemnité ne sera jamais suffisante pour effacer la douleur d’une mère ayant perdu son enfant. « L’État ne fait que reconnaître cette peine par une compensation financière symbolique. Que les responsables de ces tueries soient traduits en justice », a-t-elle soutenu. Il faut rappeler que les familles des 79 personnes décédées au cours de ces manifestations vont bénéficier de 10 millions de FCfa d’assistance chacune. Une prise en charge médicale et une enveloppe de 500 000 FCfa seront accordées à chacun des 2172 « ex-prisonniers politiques ».
Source : Le Soleil
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