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Crédibilité budgétaire, souveraineté militaire, et dépendance hydrique : les apparences sont trompeuses.

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Derrière les annonces triomphalistes et les postures souverainistes, que révèlent réellement ces décisions ? 

L’agence Standard & Poor’s a abaissé la note souveraine du Sénégal à B-, avec perspective négative. Traduction : les investisseurs considèrent désormais notre pays comme plus risqué, et l’État devra emprunter plus cher pour se financer. Le gouvernement a réagi… en publiant un communiqué. Rassurer par des mots, faute d’actes.

Aucune réforme structurelle n’a encore vu le jour. Les pratiques anciennes perdurent. La dette, déjà alourdie par les manipulations du régime précédent, continue d’exploser. Le gouvernement promet un « rebasage » du PIB pour faire baisser artificiellement le poids de la dette ; une opération initiée en 2018, mais jamais achevée. Aujourd’hui, elle est récupérée pour faire croire à une rupture, là où il n’y a que continuité.

Pendant ce temps, la Côte d’Ivoire, notée BB (perspective stable), inspire confiance aux marchés. Elle emprunte à des taux plus faibles, sur des durées plus longues, avec moins de conditions. Elle peut même prêter à des pays comme le Sénégal, à des taux plus élevés. Notre perte de crédibilité devient leur levier de puissance.

Et tandis que les Sénégalais attendent des réformes, la Cour des comptes est mise à l’écart, au profit du cabinet étranger Mazars, sans mandat démocratique. Le FMI semble être le seul destinataire des livrables. Aucune loi sur les dettes extrabudgétaires, aucun chantier d’architecture budgétaire n’est lancé. Le gouvernement veut qu’on le croie sur parole. Mais la confiance internationale se gagne par des lois, pas par des lives. Aujourd’hui, le Sénégal paie le prix du flou budgétaire.

Le 18 juillet 2025, les dernières bases militaires françaises ont quitté le territoire sénégalais. C’est un acte fort, que la rédaction salue. Le président Bassirou Diomaye Faye a ainsi rattrapé une décision initialement lancée par Abdoulaye Wade, mais gelée sous Macky Sall.

Cependant, ce retrait physique ne dit pas tout. Il est accompagné de nouveaux accords stratégiques, défendus par le haut commandement militaire et signés dans une opacité totale. L’armée française quitte les terrains, mais reste dans les textes.

Et c’est là que le débat commence. Que contiennent ces accords ? À quoi engage-t-on la Nation ? Aucun document officiel n’a été publié. Plus largement : quelle est aujourd’hui notre doctrine de défense ? De quoi avons-nous besoin : bases étrangères ou dissuasion autonome, alliances ou souveraineté ?

La restitution des bases ne peut être une fin en soi. Elle doit être le point de départ d’un chantier stratégique : repenser la défense nationale en fonction de nos réalités, nos menaces et nos ambitions. Cela exige transparence, parlement, peuple. L’armée d’un État souverain ne peut s’échafauder dans le secret.

Le gouvernement a annoncé fièrement la renégociation du contrat de dessalement d’eau de mer avec le groupe saoudien ACWA Power. Selon ses termes, il s’agirait d’une victoire sénégalaise. Mais à y regarder de plus près, la dépendance l’emporte sur la souveraineté.

D’abord, le Sénégal n’a pas besoin de dessaler de l’eau de mer. Nos ressources en eau douce renouvelables dépassent 7 milliards de m³ par an, dont moins de 5 % sont exploitées. Forages, nappes, captages, projets inachevés : les solutions existent. Pourquoi aller vers une option plus coûteuse, techniquement risquée, et environnementalement fragile ?

Ensuite, le contrat lie le pays à une entreprise étrangère pour 25 à 30 ans. Cela signifie que l’accès à l’eau dans la région Dakar–Thiès–Mbour sera tributaire d’un opérateur privé, dont la logique est celle du profit, non du service public.

Plus grave encore : l’eau dessalée est appauvrie en minéraux essentiels (magnésium, calcium). Des études menées dans le Golfe, en Israël ou en Espagne ont mis en lumière les risques sanitaires : hypertension, troubles rénaux, problèmes cognitifs. La reminéralisation est une opération complexe, peu maîtrisée, et encore sans véritable débat public.

Enfin, rappelons que depuis 2019, Sen’Eau (groupe Suez) a remplacé la SDE, prenant le contrôle de la gestion urbaine et rurale de l’eau au Sénégal. Cela s’est traduit par une hausse des tarifs et une privatisation rampante de cette ressource vitale.

Les annonces du gouvernement peignent les décisions comme des avancées historiques. Mais notre analyse révèle des zones d’ombre, des non-dits, et surtout, une absence de débats démocratiques sur des sujets aussi fondamentaux que la dette publique, la défense nationale et l’accès à l’eau. La souveraineté ne se décrète pas. Elle se construit par la transparence, la loi, la confiance du peuple et la solidité des institutions.

Un citoyen sentinelle 

#SenQuotidien

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