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El Hadji Ibrahima Boly Diène : «Il faut une appropriation par le gouvernement et le peuple somalien de la sortie de crise»

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Nommé en juillet à la tête de la Mission d’appui et de stabilisation africaine en Somalie (Aussom), l’ambassadeur El Hadji Ibrahima Boly Diène revient, dans cet entretien, sur la situation du pays, le lourd tribut payé par l’Union africaine. Il a surtout évoqué les perspectives de paix avec des menaces permanentes pour la démocratie et la stabilisation de la Somalie.

Vous avez été nommé en juillet dernier par l’Union africaine en Somalie. Quel est le diagnostic sur la situation trouvée sur place ?

La situation est complexe. Beaucoup d’efforts et de choses ont été accomplis par l’Union africaine et la Somalie. Cependant, il reste des défis. Enfin et surtout, il y a des opportunités. Ce qui a été accompli, c’est 18 ans de présence de l’Union africaine depuis 2007, la reconquête de Mogadiscio, la sécurisation de Mogadiscio et des principales villes par les soldats de l’Union africaine qui se sont battus côte à côte avec les soldats somaliens, avec le soutien des partenaires multilatéraux et internationaux. Ce type de partenariat respectueux de la souveraineté que l’Union africaine a fait avec le gouvernement somalien qui est en position de leader, est un partenariat intéressant et porteur.

En plus de ce partenariat sur la durée, parce que quand même près de 6.000 à 7.000 soldats africains sont morts en Somalie, près de 3.000 sont blessés, près de 2.000 sont mutilés, c’est un investissement et beaucoup de sacrifices qui ont été faits par les pays en majorité voisins de la Somalie, mais aussi qui ne sont pas voisins. L’Union africaine a traversé différentes missions, a investi beaucoup en hommes, en argent, mais aussi en temps et en efforts.

Autant dire qu’il y a une évolution du mandat de l’Union africaine ?

Cette évolution a fait qu’aujourd’hui le mandat que nous avons, c’est de soutenir les efforts dirigés par les Somaliens qui définissent les priorités et dans la phase de transition dans laquelle la mission se trouve, nous les soutenons. D’abord sur le plan de la sécurité, avec beaucoup d’opérations qui sont coordonnées, qui sont planifiées ensemble et exécutées ensemble. Si vous vous rappelez, après le Ramadan, il y a eu une contre-offensive des al-Shabaab. Cette contre-offensive a été stoppée par les efforts cumulés des Somaliens, soutenus par l’Union africaine et leurs partenaires.

Ces efforts ont permis de reconquérir des villes comme Baréré, Anatole, des efforts qui ont permis de repousser les al-Shabaab à plus de 80 km, 100 km de Mogadiscio. Ce cercle de sécurité permet de mieux garantir et de préserver la ville de Mogadiscio. La sécurité n’est pas donc acquise dans ce pays, malgré les efforts de l’Ua ? Il ne peut pas manquer d’infiltrations, mais clairement, depuis deux mois, la sécurité s’est beaucoup améliorée à Mogadiscio. Ce n’est pas seulement sur le plan de la sécurité que l’Union africaine travaille, mais aussi sur celui du renforcement de capacités, du mentoring, de l’aide à la mise en place de structures, donc la capacité de l’État à se reconstruire, à se réinventer.

Des stratégies nationales, des réformes de secteur de sécurité, des stratégies de lutte contre les Houtis, mais aussi des structures comme le Joc, le centre conjoint des opérations que nous avons ensemble, où nous planifions ensemble les opérations, les suivons et les exécutons ensemble. Toutes ces choses sont de réelles avancées. Sur le plan politique, il y a eu beaucoup d’avancées, des réformes des institutions, des élections, avec l’effort, le projet actuel qui est de faire une personne, une voix, qui a des oppositions. Mais ce qui est intéressant, c’est un dialogue politique profond en cours pour que les hommes politiques somaliens s’entendent entre eux sur comment l’avenir de leur pays va se faire.

L’Ua a néanmoins un engagement multiforme pour le retour à la paix ? À part la sécurité et la politique, nous faisons beaucoup d’efforts en stabilisation. Ces efforts sont importants parce qu’ils permettent de s’adresser aux causes profondes du conflit. Comment, aujourd’hui, renforcer la présence de l’État, mieux d’État, plus d’État, dans des zones les plus reculées, qui permettent d’offrir des services sociaux de base aux populations somaliennes et à toute cette jeunesse très vibrante, au secteur privé très dynamique, d’avoir de l’espoir et de construire eux-mêmes leur avenir.

Et cela éviterait la propagande des al-Shabaab, mais aussi toute cette mésinformation-désinformation qui se fait dans les réseaux sociaux. Il importe aussi d’avoir une importante communication stratégique, une capacité de monitoring des médias, des réseaux sociaux, de trouver des systèmes adaptés, avec beaucoup de techniques qui existent, d’outils qui permettent d’anticiper, de contribuer au contenu des médias. Les défis concernent la politique, la sécurité et les ressources.

N’empêche que les Al-Shabaab semblent très outillés et organisés ?

Au niveau politique, il y a un dynamisme avec beaucoup de dialogues, parce que cela a un impact sur ce qui se passe au niveau politique et sécuritaire. Nous espérons donc que ces efforts politiques vont payer avec un dialogue et une réconciliation qui vont se faire très bientôt. Sur la sécurité, al-Shabaab évolue en techniques, en pratiques, en moyens, avec des partenariats et des collaborations avec des outils. Cette évolution fait qu’on voit avecde nouvelles tactiques et techniques d’engins improvisés, et aussi l’utilisation de drones. Comment nous, avec les ressources que nous avons, avec les partenaires, nous allons contrer cela de par l’intelligence, de la surveillance, de la reconnaissance, tous ces outils modernes dont nous ne disposons pas forcément.

C’est là où interviennent les partenaires, qu’ils soient multilatéraux et traditionnels, comme les États-Unis avec l’Africom, la Turquie avec ses moyens de drones et la formation. Ne faudrait-il pas également former les forces somaliennes pour les aider à faire face aux nombreux défis ? La question de comment régénérer rapidement des forces somaliennes bien entraînées, bien équipées est pertinente, mais le problème du soutien logistique se pose souvent pour les Somaliens.

Comment les aider à faire eux-mêmes leur propre soutien avec un soutien intégré, adapté à leurs besoins et durable ?

Parce que le fait que les routes ne soient pas toujours disponibles, il faut faire le soutien par moyens aériens, ce qui n’est pas toujours disponible. La mission que nous dirigeons est dans une phase de transition pour aller dans une stratégie de sortie. On est dans la première phase de cette transition qui se termine en décembre. La deuxième phase va être aussi une phase de réduction des effectifs.

Quelle échéance pour cette transition ?

Les Somaliens ont passé le message qu’ils veulent que cette transition soit accélérée pour finir peut-être en fin 2027, au lieu de 2029, comme prévu. Nous sommes en discussion pour continuer à travailler avec l’Union africaine à Addis-Ababa pour que tout cela puisse se faire. Nous venons de finir de faire un exercice de benchmarking qui montre que sur les sept critères sur lesquels nous avons été examinés, comment se comporte l’Aussom, la performance de l’Aussom.

Comment se comportent le gouvernement somalien, la performance du gouvernement somalien et la mise à jour de la stratégie de sortie de l’Aussom ?

Sur toutes ces choses, nous sommes tombés d’accord sur un rapport qui va être partagé au Conseil de sécurité. En somme, il existe des défis. Cependant, il y a beaucoup d’opportunités. Ces opportunités doivent être saisies sur le plan politique avec le dialogue, la réconciliation. Ce dialogue et cette réconciliation politique doivent s’appuyer sur la sociologie, sur la culture, la religion et aussi sur les évolutions sociétales des Somaliens.

Au niveau sécuritaire, il faut poursuivre la régénération des forces, les appuyer en équipement, en capacité pour qu’elles soient autonomes pour faire le travail. Le soutien, l’accompagnement, le mentoring que l’Aussom est en train d’effectuer va se poursuivre en étroite collaboration avec le partenaire somalien pour faire des résultats concrets. Au niveau de la stabilisation et de la solidification des bases de l’État somalien, il faut que ce travail se poursuive. Donner l’espoir aux jeunes, aux femmes, aux populations avec une bonne provision des services sociaux de base en éducation, en santé, en droits. Il y a beaucoup d’efforts qui ont été accomplis par les Somaliens.

Aujourd’hui, la Commission nationale des droits de l’homme va bientôt être mise en place. Les fondamentaux de l’État somalien, de la Fédération somalienne sont donc en cours. Il faut souligner le rôle joué par les voisins qui sont très impliqués dans la solution de la crise. Nous pensons que parmi les leçons à retenir, il y a l’importance du partenariat à long terme que l’Union africaine a fait avec la Somalie. C’est un partenariat durable, soutenu, avec beaucoup de sacrifices, mais qui est en train de produire des résultats.

L’espoir est donc permis ?

Ce partenariat respecte la souveraineté de l’État qui est en lutte, mais se fait aussi avec les voisins, avec la sous-région, l’Igad (L’autorité intergouvernementale pour le développement créée le 21 mars 1986 et associant sept pays est africaine). Il se fait aussi avec tous ces partenaires qui prennent en compte et incluent les partenaires multilatéraux, les partenaires traditionnels et tous travaillent ensemble pour le bénéfice du pays. Nous pensons que cet exemple de partenariat est important. Le deuxième aspect de bonne pratique, c’est l’appropriation.

L’appropriation par le gouvernement et le peuple somalien de la sortie de crise qui utilise des ressources internes de cette population, et aussi l’appropriation par les voisins, les organisations régionales telles que l’Igad, et l’Union africaine. Les partenaires ne sont pas en reste qui, malgré le facteur temps, malgré leur volonté d’avoir un partage du fardeau du financement, sont toujours disponibles pour appuyer la mission dans cette phase de transition.

Source : Le Soleil

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