D’avoir partagé avec Professeur Daff la même formation doctorale à l’université de Provence Aix Marseille I (lui m’y ayant devancé de deux ans) et de lui avoir succédé à la direction du département de lettres modernes (en 2002), puis de l’Ecole doctorale ARCIV (en 2017) m’incline naturellement à témoigner de l’excellence de sa carrière ainsi que de la fécondité et de la générosité de son parcours académique, en quelques propos succincts, le contexte y obligeant.
Professeur Moussa DAFF a consacré toute sa carrière professionnelle à l’enseignement et à la recherche. Sorti de l’école normale de Mbour, et ayant servi pendant quelques années comme instituteur, il a choisi, plus d’une trentaine d’années de sa vie, d’être au service de l’université Cheikh Anta Diop et de son pays . Ceux qui ont partagé avec lui un parcours, tant soit peu, savent bien, en effet, qu’il a eu plus d’une fois l’opportunité d’aller monnayer ses hautes compétences dans des universités plus nanties (d’Europe ou d’Amérique) ou de transhumer vers des prairies plus verdoyantes et plus juteuses en dehors de l’université. Prof Moussa DAFF a, cependant, choisi de demeurer dans son pays et à l’université pour contribuer à la formation de la jeunesse sénégalaise, et … aussi africaine, puisqu’en réalité, panafricain dans l’âme, comme en témoignaient souvent ses tenues vestimentaires, le Sénégal et les pays d’Afrique subsaharienne ne faisaient qu’un pour lui.
Il peut être compté parmi les fondateurs et bâtisseurs de l’université Cheikh Anta Diop, figurant parmi ceux qui, à la faveur d’un programme « formation-relève » de l’Etat du Sénégal leur ayant permis de mener leur doctorat en France, ont remplacé les dernières générations d’enseignants coopérants étrangers .
Il a joué un rôle déterminant dans la mise en place et la consolidation des enseignements de sciences du langage à l’université Cheikh Anta Diop (UCAD), comme à l’université Gaston Berger de Saint-Louis (UGB) et dans la plupart des différentes universités francophones d’Afrique.
Arrivé tôt au rang magistral, il a contribué aux cotés des professeurs Diamé Signaté et Nguissaly Sarré à l’ouverture du troisième cycle des enseignements de grammaire moderne et grammaire historique, que les professeurs Ferdinand Diarra et feu Madické Diop avaient déjà largement balisés pour les premier et deuxième cycles ; ce qui a abouti plus tard, en s’élargissant, à la création de l’Ecole doctorale ARCIV (Arts, Cultures et Civilisations), dont il a été le deuxième directeur après le professeur Pape Alioune NDAO.
Professeur Moussa DAFF a, durant une carrière universitaire bien rempli, formé plusieurs milliers d’étudiants et plusieurs générations de docteurs en sciences du langage, un vivier de compétences, qui font aujourd’hui la fierté de nos différentes universités au Sénégal comme dans la sous-région. Toujours inspiré et innovant, il avait initié l’ouverture d’une filière langues et littératures francophones, qui malheureusement n’a fonctionné que quelques années faute d’avoir été bien comprise par l’institution.
Professeur Moussa DAFF avait un sens très élevé de la collaboration entre enseignants-chercheurs, et cela dans un esprit de pluralité disciplinaire ; il a toujours su manager les services des collègues, en particulier pour l’animation de séminaires d’enseignement ou la mise en œuvre de programmes de recherches portant en particulier sur le français et les langues nationales aussi bien dans leur fonctionnement grammatical interne que dans leurs rapports et contacts ou dans leur enseignement. Expert bien connu des instances de la francophonie, il a contribué à faire de cette institution ce qu’elle est devenue sur le terrain universitaire africain. Professeur Moussa Daff a toujours répondu sans hésitation aux différentes sollicitations de la communauté académique, comme à celles du Ministère de l’éducation nationale. Plus d’une fois, en effet, il a modifié son calendrier, accepté des contraintes pour faire vivre cet esprit de collaboration qui est essentiel dans l’espace académique. Il a participé, et très activement, à tous les moments importants de conception, de mise en œuvre et d’évaluation des programmes d’enseignement bilingue au Sénégal et en Afrique francophone.
Il a été un chercheur fertile ayant fait des publications essentielles dans des revues scientifiques de première importance, publications qui ont fait avancer la réflexion dans plusieurs domaines des sciences du langage: grammaire et linguistique du français et des langues africaines, didactique des langues et littératures francophones, sociolinguistique, médiation interculturelle, analyse du discours, etc.
Il a ainsi inscrit toute sa carrière, dans le crédo de l’excellence et du service à la communauté.
Mais s’il y avait un seul trait pour le caractériser, ce serait, à l’évidence, sa générosité exceptionnelle, comme cela a été témoigné par tous ceux qui ont pris la parole lors de la levée du corps à la mosquée de son quartier Hamo 4 à Dakar. En effet, Professeur Moussa DAFF savait surtout écouter, aider, pardonner et … faire rire comme pour déjouer l’angoisse métaphysique de notre humaine condition.
Que son âme repose en paix dans sa ville natale Podor et qu’ALLAH SWT l’accueille à FIRDAWS.
A sa famille, ses proches, à toute la communauté, nos sincères condoléances !
Professeur Modou NDIAYE
Source : Le Soleil
Laisser un commentaire