’analyse géospatiale qui se définit comme une méthode d’exploitation des données localisées pour produire de l’information pertinente sur des phénomènes spatiaux, est de plus en plus considérée comme un outil stratégique dans la planification territoriale, la résilience climatique, la sécurité alimentaire et le suivi des politiques publiques.
Elle permet également de visualiser et d’analyser les dynamiques spatiales dans une perspective d’appuyer la prise de décision.
L’agriculture, l’environnement, la gestion de l’eau, les systèmes de transport, l’urbanisme, la santé publique, les énergies renouvelables, le foncier constituent des secteurs dans lesquels les données géospatiales jouent des rôles de premier plan, selon des spécialistes de la question interrogés par l’APS.
Au Sénégal, la question des données géospatiales est revenue au-devant de la scène avec notamment la tournée nationale ”Space Bus” (bus de l’espace), entre autres initiatives étatiques allant dans le sens de promouvoir les sciences et l’astronomie dont le coup d’envoi a été donné par le président de la République Bassirou Diomaye Faye.
Cette campagne prévue dans les 14 régions du pays va se dérouler du 6 avril au 13 mai, avait annoncé le directeur de l’Agence sénégalaise des études spatiales (ASES), Maram Kaïré.
La caravane va proposer des expositions, conférences et ateliers pédagogiques sous le thème ”Le spatial, levier de développement durable”, a-t-il dit à dans un entretien avec l’APS.
L’objectif, selon lui, est d’’’interagir avec les écoles, les universités et le grand public’’, en vue de ”faire découvrir les sciences et l’astronomie à la population”.
L’astronome sénégalais a souligné qu’au-delà de la découverte des sciences, ”cette initiative vise à montrer comment les sciences spatiales peuvent contribuer au développement du pays, notamment, la santé, l’agriculture, l’élevage, la sécurité, l’éducation (…), autant de domaines où les technologies spatiales peuvent apporter des solutions concrètes’’.
‘’En résumé, dès qu’un phénomène est localisé dans l’espace, il peut être analysé à l’aide des données géospatiales’’, explique par exemple le docteur Labaly Touré enseignant chercheur à l’université Sine Saloum El hadji Ibrahima Niass.
Poursuivant, il indique que cela va de simples ‘’superpositions de couches de données à des traitements complexes intégrant des modèles statistiques, mathématiques ou d’intelligence artificielle’’. On parle d’intelligence géospatiale lorsque cette analyse est enrichie par des technologies avancées comme l’apprentissage automatique, permettant d’automatiser l’interprétation, de prédire des tendances ou de générer des prévisions à partir de données spatiales, renseigne le spécialiste.
De quoi la géospatiale est-elle le nom ?
Les données géospatiales désignent l’ensemble des ‘’informations associées à un emplacement géographique’’ sur la surface de la terre. Cela signifie qu’elles comportent toujours une référence spatiale, comme des coordonnées GPS (latitude, longitude), fait remarquer le docteur Labaly Touré.
Selon le coordonnateur du master géomatique à l’USSEIN, ces données peuvent prendre différentes formes : cartes, images satellites, bases de données géographiques ou encore relevés de terrain, notant que toute donnée pouvant être localisée dans l’espace est considérée comme géospatiale.
De l’avis de cet universitaire, ‘’tout ce qui est sur la terre peut être transforme en donnée géospatiale’’, citant les cours d’eau, l’habitat, les ressources naturelles, le réseau routier, les forêts, les infrastructures, entre autres.
Le géomaticien et ingénieur en gestion du développement urbain, Mouhamed Djibel Cissé est aussi du même avis quand il soutient que ‘’les données géospatiales peuvent nous offrir de services de la cartographie thématique, de la mise en place de données structurées, des levées topographiques, de l’acquisition et du traitement d’images de hautes résolutions, etc’’.
Qui utilisent les données géospatiales ?
Les données géospatiales sont utilisées par une grande diversité d’acteurs. Elles servent à se situer, se déplacer, s’orienter, mais aussi à informer, décider, prévenir ou agir, rappelle le docteur Touré. Les gouvernements et les collectivités territoriales peuvent exploiter ces données pour ‘’la planification urbaine, la gestion du foncier, la prévention des catastrophes naturelles, ou encore l’implantation d’infrastructures (scolaire, sanitaire, routière, ferroviaires, etc.), ajoute cet enseignant-chercheur.
Il relève également que les entreprises privées font recours également aux données géospatiales dans des secteurs comme le transport, la logistique, l’énergie ou l’agriculture. ‘’Dans l’étude des changements climatiques, les images satellitaires (optique et radar) permettent un suivi diachronique des phénomènes comme l’érosion côtière, les inondations, la montée des eaux ou l’évolution des températures’’, a-t-il martelé.
Les citoyens les (données géospatiales) utilisent souvent sans s’en rendre compte, par exemple via les cartes ou applications GPS sur leurs smartphones, lesquels sont aujourd’hui équipés de capteurs de localisation, explique le président du Réseau des professionnels africains de la géomatique(RPAG).
Il soutient que les données géospatiales permettent de fournir de nombreux services essentiels portant sur la cartographie numérique, de la navigation, de la géolocalisation, de la télédétection, de l’acquisition et du traitement des données drones. ‘’En résumé, dès qu’un phénomène est localisé dans l’espace, il peut être analysé à l’aide des données géospatiales’’.
L’analyse géospatiale permet d’aider à la prise de bonne décision par exemple pour implanter une infrastructure, pour des planifications militaires, sanitaires, économiques, etc, croit savoir le géomaticien et ingénieur en gestion du développement urbain, Mouhamed Djibel Cissé.
Comment se porte le secteur du géospatial au Sénégal ?
Au niveau mondial, le secteur est en pleine croissance, soutenu par les avancées dans les technologies spatiales, les drones, les capteurs, le cloud et l’intelligence artificielle. ‘’Cette dynamique répond à une demande croissante en données pour les besoins environnementaux, infrastructurels ou sécuritaires’’, insiste le docteur Touré.
En ce qui concerne le Sénégal, il fait observer une ‘’dynamique prometteuse’’ avec la multiplication des initiatives académiques, des projets de coopération et de startups innovantes.
Le coordonnateur du master géomatique à l’USSEIN, regrette toutefois le fait que le secteur demeure encore peu structuré, avec un manque ‘’d’investissements durables, de coordination stratégique et de valorisation des compétences locales’’.
‘’Le principal défi à relever est relatif à l’accès à des données de qualité. Dans de nombreux pays, y compris le Sénégal, les données géospatiales sont parfois indisponibles, obsolètes ou non partagées, constate le spécialiste. Heureusement, le projet Senspatial, a mis en place un Géoportail en accès libre regroupant de nombreuses données issues des structures membres’’, a-t-il martelé.
Mouhamed Djibel Cissé note pour sa part qu’au Sénégal ‘’le secteur du géospatial ne trouve pas (encore) la place qu’elle mérite’’.
Dans cette perspective, il a appelé à davantage ‘’outiller les centres de formations’’ en leur dotant d’appareils de dernière génération pour former de ‘’techniciens compétents et compétitifs’’.
Sur le plan institutionnel, il est urgent de mieux coordonner les acteurs afin d’éviter ‘’les doublons et les lacunes’’. Laabaly Touré suggère également le renforcement de ‘’la gouvernance des données’’, en établissant un cadre juridique clair, afin d’assurer l’interopérabilité entre les plateformes et de structurer le secteur pour éviter sa fragmentation’’.
Cela passe par des investissements en formation, en recherche et dans le développement de solutions adaptées aux réalités locales, a-t-il relevé.
L’universitaire se félicite toutefois ‘’d’initiatives louables de l’Etat’’ allant dans le sens de développer le secteur du géospatial au Sénégal. Il faisait notamment allusion au Plan National de Géomatique, à la création de l’Agence Sénégalaise des Études Spatiales (ASES), et le lancement du nanosatellite GaindeSat.
‘’Ces actions montrent une volonté de renforcer les capacités nationales dans le domaine des données et des services spatiaux. Cependant, leur impact reste limité en raison de l’absence d’un cadre de gouvernance solide, de financements durables, et d’une vision stratégique intégrée sur le long terme’’, a-t-il poursuivi.
Il se réjouit également d’une dynamisation de l’offre de formation dans les universités sénégalaises. Des établissements comme l’UCAD, l’UGB, l’USSEIN ou l’École Polytechnique de Thiès proposent des formations en licence, en master et des modules spécialisés. L’USSEIN dont il coordonne le master en géomatique se distingue aujourd’hui comme une structure de référence, avec une licence en Géomatique et Climatologie et un master sur cette discipline, a-t-il relevé.
De son point de vue, des opportunités d’emploi existent dans le secteur mais ils sont souvent mal identifiés. ‘’Le potentiel d’insertion est prometteur, car la géomatique est transversale et innovante. Il faut néanmoins cartographier les besoins du secteur, encourager les entreprises à recruter des profils géospatiaux et mettre en place des dispositifs d’insertion professionnelle adaptés’’, a-t-il recommandé.
Docteur Labaly Touré insiste également sur la nécessité d’aligner les formations avec les besoins du marché, de renforcer les moyens techniques et de mettre en place une école doctorale dédiée.
Source : APS
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