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Permanences des anciens partis au pouvoir, une histoire de grandeur et de décadence

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La perte du pouvoir, bien souvent synonyme de traversée du désert pour un certain personnel politique, se ressent aussi dans le manque d’animation et la splendeur perdue des permanences de partis qui ont été aux affaires. Un constat qui en dit long sur le pouvoir, sa conquête, son exercice et sa conservation, le sens et la finalité de la politique de manière générale.

Il y a quelques années, la Maison du Parti socialiste Léopold Sédar Senghor et la permanence Oumar Lamine Badji du Parti démocratique sénégalais (PDS) étaient rythmées par d’intenses activités politiques. Un bouillonnement et une effervescence qui témoignaient de la place centrale de ces deux formations dans la vie politique sénégalaise, entre 1960 et 2012.

Effervescence, convivialité, animation, énergie militante, franches rigolades, discours galvanisants régnaient dans les permanences des “frères” libéraux et des “camarades” socialistes.

Une morosité ambiante prévaut désormais en ces lieux. Autres temps, autres mœurs. Il est bien loin le temps où ces deux enceintes débordaient de monde et offraient aux passants et curieux une exposition de voitures les unes plus rutilantes que les autres.  

Bâtie sur une superficie de 18.300 mètres carrés, la Maison du Parti socialiste est située à quelques jets de pierres du populaire marché de Colobane et de la direction générale de la Caisse de sécurité sociale (CSS).

En cette fin de matinée estivale, la mythique permanence du PS, au pouvoir de 1960 à 2000, soit 40 ans de règne sans partage, reflète la chaleur qui s’est emparée du Sénégal depuis quelques mois.

La canicule, impitoyable, amplifie le calme plat et le sentiment d’abandon qui se dégagent des lieux, comme le suggèrent les herbes sauvages tapissant la cour de l’enceinte, pendant que quatre hommes devisent tranquillement autour d’une théière à l’ombre d’un arbre.

A l’entrée, il faut slalomer pour éviter les eaux stagnantes, traces des dernières pluies, avant d’atteindre le bâtiment principal, en arpentant plusieurs marches, au milieu desquelles se trouve érigée une rampe en fer forgé, qui a connu des jours meilleurs.

Un homme d’un âge très avancé, silhouette frêle et habillé d’un gilet fluorescent, monte la garde devant ce bâtiment imposant peint en blanc et en vert, couleurs historiques du Parti socialiste. L’édifice, même entouré d’arbres et de fleurs, ne paie pas de mine et aurait besoin d’une cure de jouvence. Entre murs défraichis, façades moisies, planchers poussiéreux et plafonds abritant de grosses toiles d’araignée, le bâtiment a perdu de son éclat. Un lavage à grande eau et un coup de peinture lui feraient un grand bien.

Des lieux déserts et calmes

Il abrite, au rez-de-chaussée, une salle de réunion annexe et plusieurs bureaux, en plus de compter aussi une salle de congrès baptisée le 15 juillet dernier du nom du précédent secrétaire général de la formation socialiste, Ousmane Tanor Dieng, décédé en 2019.

Les Socialistes tiennent régulièrement leurs congrès dans cette salle dont la capacité d’accueil est de 2500 places assises, où des destins se sont faits et défaits à travers des divergences entre responsables du Parti.

‘’Depuis la mise en service de la “Maison du Parti” en 1969, tous les congrès se tiennent dans cette salle, les congrès ordinaires comme extraordinaires’’, confirme le secrétaire permanent du Parti socialiste, Cheikh Sadibou Sèye.

Permanences des anciens partis au pouvoir, une histoire de grandeur et de décadence

Un amas de poussière recouvre totalement le plancher de la salle des congrès. Ses nombreux sièges de couleur rouge et grise n’ont pas meilleure mine. Un signe supplémentaire de dégradation et de décrépitude que viennent effacer quelques images de l’histoire récente du parti. La salle des Congrès baptisée Ousmane Tanor Dieng.

Un portrait géant d’Ousmane Tanor Dieng, défunt secrétaire général du PS, trône fièrement au-dessus du présidium. Elle domine d’autres clichés du natif de Nguégniène aux côtés des anciens présidents Abdou Diouf et Macky Sall.

Le bureau du secrétaire général, le secrétariat permanent, la permanence des jeunes et celle des femmes sont tous logés au premier étage de ce bâtiment, la bibliothèque et le centre de documentation, mémoire vivante du parti, se trouvant à l’étage supérieur, au deuxième niveau.

Les locaux de l’Ecole du parti, lieu de formation idéologique et politique des militants, est également localisé au même niveau, selon le secrétaire permanent du PS, Cheikh Sadibou Sèye.

Derrière cet édifice imposant, sur la même surface, un bâtiment annexe abrite la salle du Bureau politique baptisée Lamine Guèye et celle du Comité central qui porte le nom de Léopold Sédar Senghor.

Selon le permanent du PS, les Socialistes ont voulu, de cette manière, rendre hommage au Président Senghor pour l’initiative qu’il a eue, en 1967, de bâtir ce siège pour le parti qu’il a fondé.

‘’Il faut souligner qu’au lendemain de 2000, si nous n’avions pas ce siège, nous aurions certainement disparu’’, a fait valoir le secrétaire permanent du PS en allusion à la première alternance politique survenue au Sénégal avec l’arrivée au pouvoir du Parti démocratique sénégalais, dont le candidat, Abdoulaye Wade, avait battu celui des Socialistes, Abdou Diouf, à l’issue du second tour de la Présidentielle de cette année-là.

Contrairement au premier bâtiment construit en 1967, cette annexe a été édifiée dans les années 90 à l’initiative du Président Abdou Diouf qui l’a inaugurée le 26 février 1992. Il a été construit suite à de vives critiques de l’opposition d’alors, le professeur Iba Der Thiam en tête, dénonçant la tenue des réunions du Bureau politique du Ps à l’Assemblée nationale.

‘’Le président Abdou Diouf, qui était un démocrate, a trouvé la critique juste et indiqué que nous ne pouvions pas continuer à tenir, sous sa présidence, les réunions du Bureau politique à l’Assemblée nationale. C’est ainsi que nous avons, sur son initiative, érigé un deuxième complexe au sein de la Maison du Parti, pour abriter la salle du Bureau politique et la salle du Comité central. Et à partir de 1992, les réunions du Bureau politique et du Comité central se tenaient ici à la Maison du parti’’, raconte M. Sèye.

Pas âme qui vive dans cette partie de l’édifice au passage de l’équipe de l’APS. Les lieux semblent avoir été désertés de ses occupants habituels : responsables, militants, sympathisants du parti. Même les nombreux autres badauds qui y étaient d’habitude très présents, lorsque la formation verte était aux affaires, sont désormais aux abonnés absents.

Permanences des anciens partis au pouvoir, une histoire de grandeur et de décadence

La Maison du Parti socialiste n’est plus ce quartier général très couru, ce centre de mobilisation militante qu’il a été pendant de nombreuses années, quand elle était perçue comme un lieu stratégique où se décidait une partie du destin du pays, à une époque pas si lointaine d’ailleurs où le parti au pouvoir se confondait avec l’Etat.

Elle abrite désormais très peu de rencontres. Les réunions de Bureau politique, qui étaient hebdomadaires, s’y tiennent maintenant de manière occasionnelle. La dernière rencontre d’envergure qu’elle a abritée remonte au 16 décembre 2023 avec le congrès d’investiture du candidat Amadou Ba pour la Présidentielle de 2024.

La Maison du PS bâtie pour abriter les réunions du parti

Secrétaire permanent du PS depuis 2007, Cheikh Sadibou Sèye, qui milite au sein de la formation verte depuis 1976, refuse de comparer le fonctionnement d’un parti au pouvoir à celui d’une formation dans l’opposition.

‘’Il est évident qu’il y avait un regain d’activités pendant que nous étions au pouvoir’’, reconnait-il, soulignant que les enjeux de pouvoir de l’époque et le choc des ambitions entre les différentes tendances concouraient à faire bouger le parti de l’intérieur et à maintenir l’animation de la permanence de 1967, début de son fonctionnement, à 2000.

Selon lui, la perte du pouvoir en 2000 a entrainé une baisse d’intensité des activités, laquelle a ainsi affecté toutes les instances du parti.

‘’Il faut simplement rappeler à nos camarades que cette permanence a été bâtie pour abriter les réunions du parti et elle a été faite pour être animée. Ceux qui doivent les animer, ce sont les responsables des différentes structures. Maintenant, il peut se trouver que quelquefois, par commodité, le secrétaire général de la coordination de Biscuiterie, par exemple, pense qu’au lieu de venir jusqu’ici, il [serait plus pratique qu’il tienne] sa réunion à son siège là-bas, à la Biscuiterie’’, fait-il valoir.

Il indique que la dernière manifestation de masse organisée à la Maison du PS date de décembre 2023, une date correspondant au congrès d’investiture de l’ancien Premier ministre Amadou Ba, choisi par le PS comme son candidat à la dernière Présidentielle de mars 2024.

Cheikh Sadibou Sèye juge cette situation gênante et trouve qu’en termes de communication, cela dessert le parti.

Permanences des anciens partis au pouvoir, une histoire de grandeur et de décadence

‘’En termes de communication, le fait de voir que le siège bouillonne d’activités tous les jours, compte. Cela a un impact positif sur la perception que les gens ont du parti. C’est pour cela que nous insistons toujours pour que nos camarades, au lieu de tenir leurs réunions ailleurs, même si c’est 10 personnes, viennent ici’’, dit-il.

‘’Quand la Maison [du parti] abrite une réunion, tout l’environnement le sent ici, parce que nous avons toujours gardé cette capacité de mobilisation et d’attraction sur les gens qui nous prêtent une attention’’, relève-t-il, avant d’ajouter : ‘’Mais bon, jusqu’à présent, les réunions du Secrétariat exécutif et les réunions du Bureau politique se tiennent régulièrement ici, mais à une périodicité qui est un peu décalée. C’est tellement espacé qu’on ne sent pas tout le monde’’.

Pour avoir vécu les périodes fastes du PS, M. Sèye remet les choses dans leur contexte au sujet de la première alternance survenue en 2000 avec la perte du pouvoir par la formation socialiste, une manière pour lui de relativiser et de mettre en perspectives les choses.

‘’Quand on est appelé au pouvoir, on sait qu’un jour on le quittera. C’est comme ça, il faut être humble dans la vie. Savoir que demain on est au sommet, et que quelques années après, on sera au bas de l’échelle. Il faut reprendre ses forces’’, lance avec philosophie le secrétaire permanent du PS.

Permanences des anciens partis au pouvoir, une histoire de grandeur et de décadence

Permanence Oumar Lamine Badji, symbole de la gloire du Pds

Le Parti démocratique sénégalais (PDS) ne disposait que d’un petit siège à côté de la mythique Place de l’Obélisque avant son arrivée au pouvoir en 2000. La formation libérale a eu le temps et surtout les moyens de se payer une permanence nationale à sa dimension de parti au pouvoir.

À l’initiative de son leader, les travaux de la nouvelle permanence du PDS seront financés grâce à l’apport des militants et des responsables.

Située sur la VDN et baptisée du nom d’Oumar Lamine Badji, un de ses responsables de Ziguinchor assassiné le 30 décembre 2006, à la veille de la célébration de la fête de de l’Aïd-el-Kebir, par des hommes armés dans son domicile, la permanence du Pds a été inaugurée le 15 février 2007 par son secrétaire général, Me Abdoulaye Wade.

Permanences des anciens partis au pouvoir, une histoire de grandeur et de décadence

De loin, cette bâtisse ultra-moderne avec ses nombreuses baies vitrées bleues, couleur de la formation libérale, fait étalage de toute sa majesté avec sa devanture et ses allées bordées de fleurs.

Dans le hall, un poster géant de Me Abdoulaye Wade, fondateur du parti, des photos de quelques figures marquantes du Sopi, ainsi que des vases de fleurs accueillent le visiteur.

Malgré tous ces efforts pour rendre les lieux hospitaliers, rien ou presque ne se passe ici également en termes d’animation politique. Une ambiance curieusement similaire à celle notée à la Maison du PS.

La permanence Oumar Lamine Badji ne désemplissait pourtant pas et bouillonnait toujours pendant la période des vaches grasses.

Une période dont se souvient Pape Amadou Guèye, membre du PDS depuis 1976 et dont il est devenu le secrétaire permanent il y a un an.

‘’A chaque fois que notre secrétaire général national Me Abdoulaye Wade, un homme charismatique, venait pour y présider une rencontre, tous les militants se déplaçaient en masse pour le voir. Même ceux qui ne sont pas conviés à la réunion, venaient. De ce fait, nous qui sommes à la permanence, avions beaucoup de difficultés pour contenir tout ce monde’’, témoigne-t-il.

‘’C’était vraiment des moments forts. Le Président Abdoulaye Wade, c’est quelqu’un qui était très proche de ses militants, donc à chaque fois que de besoin, il venait présider une réunion de Comité directeur ou du secrétariat national. Donc, c’étaient des moments de communion avec les militants et les responsables’’, souligne Pape Amadou Guèye.

Pendant ces moments, ‘’la permanence refusait du monde et on avait souvent des difficultés à organiser une réunion. Parfois, on était obligés de tout lâcher et de laisser tout le monde assister à la réunion, tellement les gens étaient attachés à lui’’, raconte-t-il nostalgique, au sujet de l’ambiance prévalant à la permanence du PDS inaugurée en 2007.

Permanences des anciens partis au pouvoir, une histoire de grandeur et de décadence

Pape Amadou Guèye relativise la baisse de fréquentation

Le secrétaire permanent national du PDS ne partage cependant pas la thèse selon laquelle les permanences des anciennes formations politiques au pouvoir seraient aux abois depuis qu’elles ne sont plus aux affaires.

Pour ce militant Sopi de la première heure, cette perception est fausse, malgré la baisse de fréquentation de ces lieux.

‘’Les permanences nationales bougent et bouillonnent en fonction de la vie politique du pays. Les activités qu’elles accueillent dépendent des évènements politiques. Il faut que les gens comprennent également que les permanences ne sont pas des lieux où l’activité politique se passe quotidiennement. Cela se passe dans les communes et dans les fédérations, c’est-à-dire dans les départements’’, argue-t-il.

Il confesse pourtant qu’’’un parti au pouvoir et un parti dans l’opposition n’ont ni les mêmes statuts, ni les mêmes ressources’’.

‘’Dès que le personnel politique diminue, les moyens ne suivent pas. Voilà ce qui explique l’absence d’effervescence notée au niveau des permanences des anciens partis au pouvoir. Mais il y a aucune décadence. On peut juste parler de moments d’accalmie où les choses se passent plus lentement’’, ajoute-t-il.

A ses yeux, la permanence Oumar Lamine Badji continue de jouer son rôle, en accueillant les réunions de la direction du parti et celles des secrétaires nationaux.

Il précise également que le PDS dispose de permanences départementales et communales qui, dans la structuration de cette formation, correspondent respectivement aux fédérations et aux sections.

‘’Ce sont des permanences que les militants louent des fois. Sinon, un responsable met gracieusement sa maison à la disposition des militants d’une section ou d’une commune, mais le parti dispose d’une permanence départementale un peu partout. Donc, les activités du parti se passent dans ces permanences-là’’, note Pape Amadou Guèye.

‘’A la permanence nationale, il n’y a que les grands évènements qu’on déroule. Sinon, il y a les secrétaires nationaux qui organisent des réunions ici. Contrairement aux gens qui pensent que la permanence doit être toujours animée par différentes réunions, la plupart des activités sont délocalisées et passent dans les communes et dans les départements’’, insiste-t-il.

Source : APS

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