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Rapport de la Cour des comptes : Comment l’État est devenu locataire de son propre patrimoine

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Le dernier rapport de la Cour des comptes sur la gestion des finances publiques entre 2019 et mars 2024 met en lumière la gestion du patrimoine bâti du pays : l’État du Sénégal a vendu une partie de son propre patrimoine bâti à une société publique, la Société nationale de Gestion et d’Exploitation du Patrimoine bâti (SOGEPA), avant de devoir… le louer.

D’après les conclusions de l’audit, plusieurs immeubles appartenant à l’État ont été cédés à la SOGEPA, créée en 2021 pour gérer et exploiter le patrimoine immobilier public. Cette cession, validée par le décret n°2022-163 du 3 février 2022, s’est inscrite dans une opération de mobilisation de fonds via un emprunt obligataire Sukuk de 330 milliards de francs CFA, lancé le 21 avril 2022.

Une vente qui fragilise les finances publiques

Mais des « anomalies sont relevées » dans cette opérations de 247,33 milliards de F CFA effectué par la Banque Islamique du Sénégal (BIS) vers un compte bancaire intitulé « État du Sénégal/Relance de l’Économie ». Mais selon la banque elle-même, ce compte n’a aucun dossier d’ouverture officiel, précise le rapport de la Cour des comptes. Positionné le 11 mai 2022, le produit est entièrement exécuté en dehors des procédures budgétaires et comptables.

Sur ce montant viré, le Trésor public n’a reçu que 90 milliards de F CFA, transférés en trois virements : 30 milliards le 16 mai 2022, 40 milliards le 19 mai 2022 et 20 milliards le 14 juin 2022. Ainsi souligne le rapport de la Cour des comptes, le reliquat de 157 milliards Fcfa n’est pas reversé au Trésor public. Cette situation pose un sérieux problème de traçabilité des fonds publics, avec un trou de 157 milliards de F CFA qui pourrait révéler de graves irrégularités dans la gestion des finances de l’État.

Une chose demeure, l’État a bradé une partie de son patrimoine pour financer un emprunt, se retrouvant ainsi en position de locataire de ses propres immeubles. L’exemple le plus édifiant est le Building administratif (10 842 mètres carrés) rénové pour près de 40 milliards et cédé pour un plus de 72 milliards Fcfa et l’ancien Palais de Justice (37 941 mètres carrés) pour un peu de 59 milliards F cfa.

Selon la Cour des comptes, cette transaction repose sur un montage financier discutable. L’État vend ses immeubles à la SOGEPA pour 198,1 milliards de francs CFA, sur la base d’un rapport d’évaluation et après avis favorable de la Commission de Contrôle des Opérations Domaniales (CCOD). Ces biens servent ensuite de garantie pour lever des fonds sur le marché financier à travers un fonds commun de titrisation. L’État devient locataire des bâtiments qu’il a lui-même cédés et paie des loyers destinés à rémunérer les investisseurs. À la fin du contrat, il devra racheter ces mêmes immeubles pour solder le capital emprunté.

Un mécanisme opaque et coûteux

Cette stratégie interroge sur la gestion des biens publics. Pourquoi l’État a-t-il dû vendre son propre patrimoine pour ensuite le louer ? Ce mécanisme, qui ressemble à une simple vente à réméré (vente avec option de rachat), pose la question d’un bradage organisé au profit d’intérêts privés.

Derrière cette transaction se cache une réalité inquiétante : l’État a perdu la maîtrise de son propre patrimoine, se mettant volontairement dans une position de dépendance financière. À terme, ce type de montage pourrait alourdir la dette publique, tout en réduisant les marges de manœuvre budgétaires des nouvelles autorités.

Le rapport de la Cour des comptes met en lumière les dérives dans la gestion du patrimoine public. Alors qu’il est question de réduire le train de vie de l’Etat, le Sénégal peut-il aujourd’hui se permettre de vendre ses propres bâtiments pour ensuite les louer et les racheter plus tard à un prix plus élevé ?

Source : Le Soleil

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