Parole, promesse, puis poussière. Samedi, à Mbao, le président Bassirou Diomaye Faye a lancé en fanfare le défi national : planter un million d’arbres en 48 heures. Ambitieux ? Certainement. Louable ? Potentiellement. Mais une question, aussi simple que cruciale, reste sans réponse : qui va vérifier ?
Parce que planter un million d’arbres, c’est bien. Mais vérifier que ce chiffre n’est pas juste un slogan de plus, c’est mieux. Commune par commune, site par site, quelle structure indépendante, quel dispositif rigoureux, quelle méthodologie de suivi a été prévue pour évaluer ce challenge écologique ? Jusqu’à preuve du contraire, on reste dans l’effet d’annonce, dans le vernis politique, dans le marketing de l’intention.
Depuis le début du mandat, le régime actuel semble avoir la ruse de troqué la gouvernance par la preuve pour la gouvernance par le choc visuel. Un chiffre impressionnant, une photo bien cadrée, un discours galvanisant. Mais où sont les bilans ? Où sont les rapports publics ? Où est la redevabilité ?
Le cas du programme « Setal Sunu Reew » en est une illustration criante. Lancé tambour battant, suspendu au prétexte du Ramadan, il a depuis sombré dans l’oubli. Aucune reprise. Aucun compte rendu. Huit mois de silence. La politique du flash, sans suite.
Et pendant ce temps, l’administration territoriale piétine les principes républicains. Où sont les préfets et sous-préfets chargés du suivi ? On ne les entend pas. On les voit surtout dans des postures autoritaires, à l’image du préfet de Kaolack, qui s’est permis de demander à un maire élu, Serigne Mboup, de « dégager ». Un dérapage grave, une confusion dangereuse entre l’autorité de l’État et un réflexe colonial d’un autre âge. Une réforme de cette administration s’impose.
Mais revenons aux arbres. Car le véritable scandale est là : chaque année, des milliers d’arbres sont plantés au Sénégal… pour mourir quelques mois plus tard. Manque d’eau, d’entretien, de suivi. Alors, à quoi bon planter si c’est pour abandonner ? À quoi bon célébrer un échec programmé ?
L’Agence Sénégalaise de la Reforestation et de la Grande Muraille Verte (ASERGMV) est au cœur de ce malaise. Des milliards y ont été injectés, pour quel résultat ? Quel pourcentage d’arbres a survécu ? Quels audits ont été publiés ? Quelle transparence ? Aucune. L’agence, devenue coquille vide, mérite plus une dissolution qu’un énième budget. Les Eaux et Forêts doivent reprendre la main, avec des moyens, des objectifs clairs, et une condition non négociable : aucun financement sans preuve de survie des arbres.
Le Sénégal n’a pas besoin d’un énième coup de com’ vert. Il a besoin d’une politique environnementale sérieuse, d’un engagement durable, de résultats concrets. Une politique où chaque arbre planté est un arbre suivi, entretenu, protégé. Et où chaque responsable public rend des comptes. Parce que ce pays mérite mieux qu’un million de promesses mortes-nées.
A.A.N
SenQuotidien
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