Le malheur des uns fait le bonheur des autres, dit l’écrivain français Voltaire. Et ce ne sont pas les charretiers à traction équine, officiant dans la banlieue de Dakar, qui diront le contraire. Avec les fortes pluies enregistrées ces dernières semaines dans la région de Dakar, ces derniers sont devenus incontournables pour se déplacer dans la banlieue. C’est le cas notamment à Thiaroye-Sam-Sam où des charretiers, interrogés par l’APS, assurent bien s’en sortir avec des revenus journaliers de 10 000 à 15 000 francs CFA, des recettes supérieures à ce qu’ils gagnent d’ordinaire.
À la devanture d’une pharmacie mitoyenne à des boutiques de vêtements, plusieurs charrettes à traction équine sont stationnées. Leurs conducteurs, de tous âges, des vieux dont la force physique a connu de beaux jours et des jeunes, attendent patiemment sur leur calèche de potentiels clients.
Le soleil qui darde ses rayons en cette matinée de samedi du mois d’août ne semble pas avoir prise sur ces conducteurs. La place de marché est animée et la chaleur à son comble. Le vrombissement des véhicules et motos, et la fumée suffocante qui s’échappe de leur pot cylindrique, donnent un cocktail insupportable de pollution sonore et de l’air. Chacun essaie de se frayer un passage dans un embouteillage à la fois humain et d’engins motorisés.
— Des clients de tous âges —
Amadou Ndao, jeune charretier, s’égosille. ‘’Fallou Warga – Arrêt Sam-Sam 200 francs CFA seulement’’, répète-t-il inlassablement. Portant une culotte noire et des chaussures en plastique, il a flairé le coup et décidé de s’adonner au transport de passagers. Heureuse initiative en ces temps de fortes pluies ayant occasionné des inondations rendant impraticables de nombreuses routes dans la zone périurbaine de Dakar.
‘’J’ai quitté les chantiers qui sont quasiment à l’arrêt à cause des pluies enregistrées ces dernières semaines pour le transport de passagers afin de me faire de l’argent’’, dit Amadou Ndao.
Depuis dix jours, il s’adonne à cette activité à tempes partiel, qu’il juge rentable ‘’en attendant la reprise des chantiers’’. Tout enthousiaste, il aide ses passagers, des hommes et des femmes, à monter sur sa charrette. Une fois tous les passagers à bord, près d’une dizaine, il tire sur les rênes du cheval qui s’avance doucement.
‘’Nous ne sommes pas pressés, l’essentiel est de traverser la zone critique’’, prévient une des dames, la quarantaine, faisant référence aux vastes étendues d’eau que la calèche doit traverser. Sur un ton mêlant assurance et trait d’ironie, le jeune charretier répond : ‘’Madame, vous ne serez pas éclaboussée par les eaux de pluie stagnantes’’. Une réplique qui fait rire tous les passagers.
A Thiaroye et environs, les calèches ont pris le relais des taxis ‘’clandos’’, qui ne s’aventurent dans les ruelles étroites gagnées par les inondations, au risque de se retrouver au garage. La demande est forte. Des clients attendent le prochain départ de charrette. ‘’Qui est le dernier sur la file d’attente’’, ‘’Quelle charrette est la suivante’’, demandent en wolof les derniers arrivés.
— Des revenus multipliés par trois —
Plus le temps passe et que le soleil de 13 heures tape, plus les gens se pressent vers cet arrêt de charrette improvisé. Le charretier Badara Sy, la soixantaine, n’en demandait pas tant. Forte corpulence, taille moyenne, il semble avoir retrouvé sa nouvelle jeunesse à la vue d’autant de clients. Sa charrette remplie, il tire les rênes de son cheval, direction Arrêt Mbagnick, le sourire à la fois contenu et ravi.
‘’Nous, les charretiers, profitons de cette situation causée par les inondations que nous déplorons par ailleurs, comme tous les résidents de la banlieue’’, observe le vieux Sy. Son revenu journalier est passé du simple au triple ces jours-ci.
‘’De 4 000 ou 5 000 francs CFA, je me retrouve actuellement avec 12 000 à 15 000 francs CFA par jour’’, fait-il savoir. Ses collègues sont également logés à la même enseigne. Cependant, ils souhaitent qu’un espace de stationnement leur soit aménagé. Cela règle, selon eux, un problème structurel, puisque ‘’les charrettes, comme les autres moyens de transport de personnes et de marchandises, jouent un rôle important dans la banlieue dakaroise’’.
‘’Nous n’avons pas d’espace pour nous stationner. Comme vous le voyez, nous garons nos charrettes à la devanture des magasins’’, fait remarquer Modou Diouf dit Baye Fall, charretier depuis 38 ans.
source : APS
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