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“Ubbi Tey, Jàng Tey” : un bilan assez positif, encore des défis à relever (acteurs)

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La campagne “Ubbi Tey, Jàng Tey”, lancée en 2015, à l’initiative de la Coalition des organisations en synergie pour la défense de l’éducation publique (COSYDEP), a atteint “des résultats probants”, pour avoir permis à “plus de 50% des écoles” de démarrer les cours dès le premier jour de la rentrée, mais beaucoup reste à faire pour qu’elle soit plus effective, indiquent des acteurs.

Après dix ans de mis en œuvre (octobre 2015-octobre 2025) du concept “Ubbi Tey Jàng Tey”, le bilan est “assez positif tenant compte des principaux objectifs qui lui étaient assignés”, a souligné Cheikh Mbow, directeur exécutif de la COSYDEP, dans un entretien avec l’APS.

Pour le père de ce concept devenu le leitmotiv des autorités académiques et administratives à chaque rentrée scolaire, “Ubbi Tay, Jàng Tay” est à la fois “une ambition, un processus et un baromètre, chaque acteur doit faire face à son périmètre de responsabilité, en jouant pleinement son rôle”.

La COSYDEP a voulu susciter “une prise de conscience nationale sur les insuffisances du temps d’apprentissage dans les différents ordres d’enseignement, et promouvoir l’engagement de toutes les familles d’acteurs de l’éducation pour un démarrage effectif des cours dès la rentrée officielle des classes”.

Aussi, les autorités et les communautés se sont appropriées le concept et se sont diversement mobilisées pour son effectivité, constate M. Mbow.

Des défis et des limites

Le directeur exécutif de la COSYDEP fait toutefois observer que le concept “Ubbi Tay, Jàng Tay” comporte des limites liées à l’insuffisance des ressources nécessaires pour accompagner les initiatives à la base, sans compter la faible coordination des interventions, des acteurs et des secteurs.

”On n’oubliera pas les déficits criards qui persistent, relativement aux infrastructures, aux enseignants, aux équipements et aux supports et matériels didactiques. Il faut aussi évoquer les inondations en milieu scolaire, la rigidité du calendrier scolaire et la faible présence des élèves pendant les premiers jours de la rentrée”, a-t-il détaillé.

Pour le secrétaire général du Syndicat des enseignants libres du Sénégal (SELS), Amidou Diédhiou, “Ubbi Tey, Jang Tey” est surtout “une philosophie, un idéal”.

”Le fait que les classes ouvrent aujourd’hui, mais que les enseignements apprentissages démarrent trois semaines après, un mois après, crève le quantum horaire, avec une répercussion réelle sur le temps de travail à l’école”, a-t-il fait valoir.

Le syndicaliste trouve que “ce n’est pas une bonne chose parce que nos élèves doivent avoir le même temps de travail que les élèves d’autres pays et être compétitifs demain face à ces autres élèves qu’ils vont croiser dans les grandes universités européennes, américaines et autres”.

Amidou Diédhiou estime que “cette philosophie est une culture qu’il faut installer dans la tête des Sénégalais, tous acteurs confondus : institutions, enseignants, élèves, parents d’élèves”.

“Je pense qu’effectivement, cette théorie, cette philosophie a atteint son objectif. Tous les Sénégalais aujourd’hui, en tout cas les 90% savent qu’il y a des efforts à faire pour que les enseignements démarrent en même temps que l’ouverture des classes”, a-t-il relevé.

Mais pour le SG du SELS, “la théorie a ses limites”. “Le préalable, c’est que toutes les écoles soient disponibles, les eaux des pluies évacuées, les tables-bancs disponibles, qu’il y ait assez d’enseignants et que les collectivités mettent à la disposition des écoles, les intrants, les fournitures scolaires etc.”

Il est important aussi, selon lui, de se demander si les parents ont pu acheter toutes les fournitures, si tous les élèves sont libérés pour aller à l’école, d’autant que dans certaines zones, il n’y a pas assez de classes, ce qui oblige les populations à s’organiser à la rentrée, pour créer des classes avec des matériaux de fortune, généralement appelées des abris provisoires.

”Donc c’est clair qu’en termes de limites, on ne peut pas démarrer partout les enseignements le jour de la rentrée. Mais une fois encore, l’idée, c’est de minimiser ces risques-là”, a souligné Amidou Diédhiou.

”Ce qui se passe ailleurs peut se faire ici, être pratique, pragmatique, efficient, démarrer effectivement les enseignements d’apprentissage à Dakar, comme partout dans le pays, parce que l’école publique a la vocation d’être une école publique équitable où tous les Sénégalais se retrouvent du point de vue accès, du point de vue gestion, mais également du point de vue qualité”, a soutenu le syndicaliste.

Un concept inspirant

Lors d’une rencontre d’évaluation organisée en septembre pour faire le bilan des 10 ans du concept “Ubbi Tey, Jàng Tey”, Doriane Tchamanbe, membre de la Campagne mondiale pour l’éducation (CME) a salué cette initiative “très appréciée au niveau international”.

“La campagne permet aux acteurs de s’auto-évaluer, de tirer des leçons des années passées pour mieux se préparer pour la nouvelle année”, a-t-elle indiqué.

Cette anticipation contribue, à ses yeux, à réduire l’abandon scolaire, à mobiliser les communautés, tout en incitant les gouvernements à mieux préparer la rentrée.

Lors de ce panel qui a réuni divers familles d’acteurs de l’éducation, Doriane Tchamanbe a relevé que la particularité et la force de la campagne “Ubbi tey, Jàng tey” résident dans sa décentralisation et son inclusion.

”Cette approche a attiré l’attention de la Campagne mondiale pour l’éducation, au point d’inspirer la Coalition de la Guinée, qui s’apprête à lancer une campagne similaire avec l’accompagnement de la COSYDEP”, a-t-elle signalé.

Pour Mariétou Ndao Mbodji, enseignante avec plusieurs années de service dans les zones rurales, à Kédougou et à Wakhal Diam, dans la région de Fatick, dans le centre du Sénégal, le concept “Ubbi Tey, Jang Tey” est plus respecté en zone urbaine qu’en zone rurale.

”Souvent, en zone rurale, les élèves rejoignent les classes une à deux semaines après la rentrée. La plupart du temps, les salles de classe ne sont pas accessibles ni fonctionnelles à cause des herbes, des tables-bancs à réparer, des fournitures non disponible”, a-t-elle confié.

De même, les garçons sont plus difficiles à attirer dans les classes dès la rentrée à cause des travaux champêtres, selon cette enseignante.

Des recommandations pour la suite 

Le panel organisé pour dresser les dix ans du concept “Ubbi tey, Jàng tey” a recommandé, dans une synthèse de ses travaux, que ladite campagne soit considérée comme à la fois une ambition, un processus et un baromètre.

Une campagne de cette envergure suggère de “connecter les initiatives, les interventions et les acteurs en vue de garantir une coordination optimale, et doit nécessairement se déployer dans les lieux de fréquentation des enfants pendant les grandes vacances scolaires”, lit-on dans le document de synthèse de la COSYDEP.

Il fait observer que l’institutionnalisation de la campagne est devenue “une demande citoyenne forte”, que le calendrier scolaire doit être repensé pour être adaptée au contexte actuel et qu’une année scolaire réussie concerne à la fois le démarrage, le déroulement et le dénouement.

Il recommandé aussi de ”renforcer la sensibilisation envers les populations et les apprenants, d’adapter le calendrier scolaire aux réalités et contextes locaux, de procéder à la délocalisation ou à la réhabilitation de certains établissements scolaires”, mais aussi “d’impliquer et d’instrumenter les structures de jeunes (scout, ASC, collectivités éducatives […]”.

Les recommandations formulées par la COSYDEP, à travers ses coordonnateurs régionaux, portent par ailleurs sur la nécessité d’un “recrutement conséquent, ordinaire et régulier d’enseignants pour combler le déficit”.

Elles mettent également en exergue l’importance d’appuyer les familles à faible revenu en mettant en place des mécanismes de soutien pour alléger les frais d’inscription et de scolarité et encourager les actions d’investissement communautaire en prélude de la rentrée avec une forte mobilisation des associations sportives et culturelles.

A terme, il s’agira d’aller vers une rentrée réellement synchronisée, de mettre un place un système de monitoring pour mesurer l’impact de la campagne avec une remontée systématique des données du niveau local et de renforcer le partenariat autour et pour l’école, en impliquant les ONG, les organisations communautaires, les associations sportives et culturelles, les entreprises privées locales, etc.

Source: APS

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