À DIEU LE MAGISTRAT BAOBAB
Le Sénégal vient de perdre un homme d’État, un sage, un pilier discret mais solide de notre République. Le Président du Conseil Constitutionnel nous a quitté, emportant avec lui son intégrité, son patriotisme et un pan entier de l’histoire institutionnelle de notre pays.
Il fût un homme valeureux, droit, dont la mémoire restera intimement liée à un acte de courage démocratique : le Non catégorique opposé au Président Macky Sall dans son projet de report des élections présidentielles. Certes, cette décision fut collégiale, mais il incarna, avec hauteur et dignité, la voix de la République, celle qui s’élève au-dessus des intérêts partisans pour garantir l’ordre constitutionnel. Alors que certains juges, ailleurs sur le continent, prenaient des décisions aux conséquences funestes pour leurs peuples, lui et ses pairs choisirent la voie de la loi, de l’honneur, de la stabilité.
Il avait prêté serment pour défendre la Constitution et il l’a fait, sans trembler
Son parcours au sein du Conseil Constitutionnel fut marqué par des décisions qui ont façonné notre paysage politique. Il porta avec rigueur la responsabilité de garantir la régularité du processus électoral, notamment en invalidant la candidature de Karim Wade, jugée non conforme aux exigences constitutionnelles ; Recalant la liste majoritaire de Yewwi Askan Wi à Dakar, menée par Ousmane Sonko, dans une décision aussi controversée que juridiquement fondée ; Validant enfin la candidature de Bassirou Diomaye Diakhar Faye, malgré des griefs judiciaires alors pendants, en vertu de la loi d’amnistie récemment adoptée. Ces décisions, parfois contestées, parfois saluées, furent toujours prises dans le respect des textes et avec le souci de préserver l’équilibre institutionnel.
Le décès d’un juge constitutionnel rappelle à la mémoire collective sénégalaise le traumatisme de l’assassinat de Maître Babacar Sèye, un événement toujours douloureux. Cette nouvelle disparition, bien que survenue dans un autre contexte, laisse un vide considérable et s’inscrit dans le registre du devoir accompli. Toutefois, elle survient dans un climat marqué par une crise politique dont le Conseil semble être attendu.
Une supposée somme de 3 milliards de francs CFA que certains juges constitutionnels auraient perçue pour écarter la candidature de l’ancien ministre, demeure l’unique tâche noire. Une allégation qui, jusqu’à présent, n’a jamais été prouvé, et n’a donné lieu à aucune suite judiciaire. Malgré cela, de nombreux observateurs restent convaincus que le magistrat défunt faisait preuve d’une intégrité à toute épreuve, insensible aux attraits de la corruption.
Aujourd’hui, il s’en va avec les honneurs, emportant avec lui ses secrets et notre respect. Il laisse dans le cœur du Sénégalais lambda un vent de gratitude, et cette phrase gravée dans les esprits : « Nul ne peut faire plus de deux mandats consécutifs ». Nous voilà dans l’obligation de nous incliner aussi devant une autre réalité universelle : « Nul ne peut avoir plus de vie consécutives, quand c’est l’heure de rentrer aux cieux. »
Reposez en paix, Monsieur le Président. La République vous est redevable.
A.A.Ndiaye
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