Le documentaire intitulé ”Radios communautaires, les dernières résistantes de l’information” du réalisateur français, Robin Grassi, projeté, jeudi, au cinéma Pathé Dakar, relate la bataille au quotidien de trois journalistes de radios communautaires décidés à informer malgré la situation d’instabilité et de peur dans laquelle ils évoluent.
Ces ”héros” de l’information, travaillant dans les pays de l’Alliance des Etats du Sahel, où le terrorisme s’est installé depuis quelques années, témoignent de leur vécu où l’insécurité est quasi permanente.
Ousmane Abdoulaye Touré, directeur de la radio ‘’Naata Fm’’ de Gao au Mali, filmé dans un studio à Dakar, raconte avoir abandonné la radio et demandé à ses collaborateurs de rester chez eux au début de l’occupation du nord Mali en 2012.
”Au début, j’avais refusé d’émettre. Parce que j’ai eu peur. Le premier jour, j’ai eu peur. J’ai demandé à tous les collègues de fermer la radio parce qu’il y avait une confusion’’, relate-t-il.
Ils ont réouvert la radio sur demande du MNLA [le Mouvement national de libération de l’Azawad] qui menaçait de ‘’dynamiter’’ les locaux de la chaine.
”Il y a des radios qui sont menacées, il y a même des agents à qui on demandé de faire attention à ce qu’ils disent. Récemment, dans la zone, on a carrément bombardé des radios et les animateurs ont fui parce qu’il faut fuir pour vivre’’, témoigne pour sa part Fati Amadou Ali, directrice de la radio communautaire ‘’La Voix de la Tapoa’’ de Tillabéri au Niger.
Pour se protéger de cette insécurité et continuer à émettre et informer, les radios communautaires ou ‘’radios de proximité’’ estiment devoir parfois composer avec ces groupes armés qui sont à l’écoute comme toute la population.
”Une radio comme +La voix du paysan+ de Ouahigouya au Burkina-Faso, c’est vrai qu’à un certain moment, on reçoit des appels venant de ces terroristes. Ils nous ont même dit une fois de corriger la façon dont on les appelle dans les émissions’’, a dit le directeur Adama Sougouri, soulignant qu’on les désignait ”les hommes de la brousse”, ce qui ne leur plaisait pas.
”Quant on les appelle les Barbus, ils aiment, ils sont contents. Parce que le que le terme barbus renvoient à la religion pour eux”’, a dit le Malien Ousmane Abdoulaye Touré.
Au Niger par contre, selon Fati Amadou Ali, ‘’ils sont appelés les marabouts’’.
‘’Le meilleur journaliste, c’est celui qui vit. Donc, ce que les hommes armés veulent entendre comme appellation, on est obligé de les appeler ainsi pour que nous puissions continuer à diffuser des informations’’, insiste Touré dont la radio a payé un lourd tribu à cette insécurité avec la mort de son confrère Abdoul Aziz Djibrilla criblé de balles sur la route de Gao le 6 novembre 2022.
Il a indiqué que d’autres collègues sont toujours retenus en otage par les groupes armés.
Le film de 23 minutes valse ainsi entre les interviews au studio à Dakar et dans la rue de la capitale sénégalaise où les protagonistes ont séjourné en novembre 2024 et des images qu’ils ont filmés eux-mêmes sur le terrain, car le réalisateur ne pouvant pas se déplacer dans ces zones.
Le documentaire ‘’Radios communautaires, les dernières résistantes de l’information’’ revient aussi sur le rôle ‘’important’’ que jouent les radios communautaire ‘’un maillon indispensable’’ dans la vie de leur communauté.
Les protagonistes énumèrent et montrent les émissions dédiées à la cohésion nationale, à la femme ou encore à l’accès des filles à l’école, entre autres.
Dans ces zones en proie à l’instabilité, elles constituent le lien entre les populations.
”Ces radios communautaires constituent même la vie des communautés pour lesquelles elles émettent. Aujourd’hui, ces communautés peinent à vivre sans ces radios qui leur donnent goût à la vie, (…) Si les radios n’émettent pas, beaucoup sont prêts à quitter’’, fait savoir le Malien Ousmane Abdoulaye Touré.
Car, dit-il, les communautés ”tâtent la stabilité et la sécurité de leur zone à travers la radio’’.
Ces radios communautaires sont soutenues par Reporters sans frontière (RSF) qui a lancé en novembre 2024 un appel avec 500 radios communautaires pour la protection du journalisme local au Sahel.
Directeur du bureau Afrique Subsaharienne de RSF, Sadibou Marone, estime que ce documentaire produit par RSF cadre bien avec la mise en œuvre des activités de plaidoyer de campagne sur le droit à l’information dans le Sahel.
Ce documentaire vise à faire entendre la voix des journalistes dans le Sahel, fait savoir le réalisateur, un responsable à RSF.
”(…) ce sont des zones dans lesquelles les journalistes internationaux ne peuvent plus aller, donc, on s’est dit qu’il y avait vraiment besoin de pouvoir montrer et faire entendre la voix de ces radios communautaires”’, a dit Robin Grassi.
Source : APS
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