Le village artisanal de Tambacounda est confronté, depuis de nombreuses années, à une dégradation très avancée de ses infrastructures, lesquelles ont besoin d’être modernisées pour attirer davantage de visiteurs, affirment les pensionnaires de cette vitrine de l’expression artistique du Sénégal oriental.
Situé à côté du tribunal régional et en face de la brigade des sapeurs-pompiers, le village artisanal de Tambacounda, qui jouxte le marché central, est un trésor de créativités artistiques.
Construit sur une surface d’environ 2 hectares sous l’égide du premier président de la République du Sénégal, Léopard Sedar Senghor, il abrite plusieurs corps de métier dont des sculpteurs, des tisserands, des dessinateurs, des bijoutiers, des cordonniers, des teinturiers.
Ce temple où s’exprime la beauté des arts se distingue par des constructions à la fois artistiques et écologiques. Il est, en effet, constitué de cases en paille, d’un restaurant et d’un bâtiment administratif.
A l’entrée du village, le visiteur peut admirer certaines prouesses artistiques, à travers des œuvres d’art dont l’harmonie et la maîtrise technique peuvent émerveiller n’importe quel regard.
Ici, les artisans rivalisent de créativités, chacun exposant ses plus beaux objets d’art à même de toucher les émotions et la passion et de captiver le regard des visiteurs.
La beauté de ce village, enveloppé dans un paysage verdoyant en cette période de saison des pluies où la nature affiche toute sa générosité, contraste cependant avec la vétusté de ses infrastructures. Une situation qui pousse les artisans de la région à plaider à l’unanimité pour sa modernisation.

Thierno Sow, un sculpteur originaire de la ville de Touba, est l’un des artistes trouvés sur les lieux en ce lundi 28 juillet. Sow vit depuis 2004 à Tambacounda, où il s’active dans le secteur de l’artisanat.
Depuis six ans, il dirige le village artisanal de Tambacounda. Aujourd’hui âgé de 57 ans, il évolue depuis son plus jeune âge dans le secteur de l’artisanat, après avoir hérité de ses parents le métier de sculpteur.
‘’Le village artisanal de Tambacounda regroupe plusieurs artisans et corps métiers. Il y a environ six corps de métiers et 25 artisans. Actuellement, nous sommes en basse session, donc la plupart des artisans quittent le village pour aller faire autre chose’’, explique-t-il.
‘’La première chose qu’il faut retenir ici, c’est que le village artisanal de Tambacounda doit être rénové, modernisé. Tous les bâtiments sont vétustes. Nous devons avoir aujourd’hui un village moderne, où les artisans peuvent s’épanouir pour attirer davantage la clientèle’’, souligne-t-il.
La vétusté du mur de clôture du centre ainsi que de son portail renseigne à suffisance sur l’état de décrépitude avancée de l’infrastructure.
A l’intérieur, une vingtaine de petites cases sont visibles. Mais, bien que respectant les normes écologiques, il saute aux yeux qu’il y a besoin de les moderniser pour l’épanouissement des pensionnaires et des visiteurs.
‘’Les cases et toutes les autres infrastructures ne peuvent plus répondre aux attentes des artisans. Le village artisanal de Tambacounda affiche un décor regrettable, malgré ses nombreuses potentialités’’, déplore Thierno Sow.

Au-delà de sa vétusté du centre, le secteur reste, entres autres, confronté à un problème de visibilité face à l’insuffisance de l’espace d’exposition et la difficulté des artisans à trouver des financements pour développer leurs activités.
‘’Nous regrettons surtout le désintérêt des populations locales. C’est comme si elles ne connaissaient pas le village artisanal de Tambacounda. Le village artisanal de Tambacounda manque de visibilité, de centres d’exposition, notamment. Il y a des gens qui font 20 ans à Tambacounda sans entrer dans ce village. Il y a un grand effort à faire à ce niveau’’, estime Thierno Sow.
“Nous avons besoin certes de financement, mais l’Etat doit nous aider à vulgariser et à promouvoir les atouts de ce village. C’est ce qui nous permettra d’attirer les touristes […]. La première chose à faire, c’est la promotion du village artisanal pour attirer le maximum de visiteurs’’, recommande le président du village artisanal de Tambacounda.
Dior Guèye s’active depuis 25 ans dans la vente d’œuvres d’art. Lundi, en fin de matinée, cette couturière de formation a fait le choix d’exposer plusieurs articles tels que des objets d’art, des sacs et des paniers dont les prix varient entre 12 000 et 15000 francs CFA.

Les inondations, l’autre menace
‘’Nous rendons grâce à Dieu. On parvient à avoir quelques clients, surtout pendant les mois de décembre et janvier, même si on aurait souhaité en recevoir plus. Ce que nous demandons aux autorités, c’est de nous aider à réfectionner le village artisanal. Son état actuel ne répond plus aux normes de la modernité, c’est un facteur qui bloque nos activités’’, affirme la couturière.
‘’L’Etat doit vraiment nous aider, parce que le village artisanal est vétuste. D’ailleurs, il faut signaler que le village a été envahi par les eaux lors des inondations survenues récemment dans la ville de Tambacounda. On avait perdu beaucoup de bagages. On demande la réhabilitation de ce village’’, insiste-t-elle.
La journée commence à bien avancer, mais c’est toujours et encore un calme plat au village artisanal de Tambacounda. Seules les allées et venues des véhicules et motos sur l’avenue Demba Diop et le gazouillement d’oiseaux viennent perturber la quiétude des lieux.

Amadou Sow, un sculpteur sur bois, profite de ce moment de silence pour réamiser des décorations sur quelques chaises et tables de salon exposées devant sa case.
En cette période de vacances scolaires, il passe toute la journée en compagnie de son épouse et de ses enfants au village artisanal, pour réaliser des œuvres d’art à des prix selon lui abordables.
‘’Dans le secteur de l’art, il n’y a pas de prix fixes, surtout en ces moments difficiles. (…) je vends quatre chaises et une table à 50.000 francs CFA’’, dit-il.
‘’Le travail est presque à l’arrêt, parce que le secteur du tourisme ne marche pas comme avant à Tambacounda. Nous vivons des moments très durs pour le secteur de l’art. Les clients se font désirer, on parvient difficilement à avoir notre gagne-pain’’, regrette-t-il.
Le village artisanal est placé sous la tutelle de la Chambre de métiers de Tambacounda, sise en face du tribunal régional, juste à côté du marché central.
Abdoulaye Sarr, 60 ans, en est le président depuis 2013.
Pour un financement adapté au secteur
Menuisier métallique de formation, le président de la Chambre de métiers de Tambacounda exerce ses fonctions de président avec force passion. Sa principale mission est d’œuvrer au développement du secteur de l’artisanat dans la région.
‘’Notre souhait, c’est d’avoir un village artisanal moderne. Il y a certes de l’originalité avec les cases en paille, mais son état de délabrement est très avancé’’, déplore-t-il.
La Chambre de métiers de Tambacounda ne reçoit qu’un budget de fonctionnement, dont le montant, selon M. Sarr, ne permet pas de réaliser des investissements tels que la réhabilitation du village artisanal.
‘’Même pour les formations, on est obligé de chercher des partenaires. Donc, en termes d’investissements, on ne peut rien faire’’, se désole-t-il.
Face aux nombreux défis qui se posent au secteur de l’artisanat à Tambacounda, Abdoulaye Sarr plaide pour un financement adapté au secteur, la construction d’un village artisanal dans chaque département de la région et le renforcement du secteur en termes de formations, au regard de l’évolution des corps de métier.
Il plaide aussi pour un renforcement des moyens logistiques et matériels, pour améliorer la visibilité du secteur de l’artisanat à Tambacounda.
‘’On a des difficultés logistiques, parce qu’actuellement la Chambre de métiers n’a pas de moyens de transport. A titre personnel, je me déplace avec mon propre véhicule depuis 2016 ’’, confie-t-il.
‘’Pour renforcer la visibilité du secteur, nous avons besoin d’un village artisanal qui réponde aux normes, des zones d’exposition pour permettre aux visiteurs de découvrir les compétences des artisans de la région et d’un centre de ressources pour le renforcement des capacités de nos artisans’’, a-t-il poursuivi.
En dépit des difficultés, les artisans de la région de Tambacounda continuent de réaliser passionnément des œuvres artistiques et gardent espoir quant à un avenir radieux du secteur.
Source : APS
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